Dans le cadre d'une masterclass exceptionnelle, Mathieu Lehanneur, designer de la torche et de la vasque des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, a partagé avec les étudiants de l’École Bleue sa vision du design, de la créativité et de la manière dont il façonne ses projets au-delà de l'esthétique. Voici quelques enseignements clés qui offrent un éclairage sur son approche créative et repoussent les limites du métier.
Masterclass Mathieu Lehanneur : 2 ou 3 choses que j’ai apprises jusqu’à maintenant
Lors de cette masterclass,
Mathieu Lehanneur a livré des enseignements précieux pour les étudiants en design, les encourageant à cultiver leur liberté créative et leur curiosité dès leurs années de formation à l’École Bleue. Ces années représentent une opportunité unique pour expérimenter, apprendre et oser. Selon lui, il est essentiel de profiter pleinement de ce que les professeurs et intervenants offrent, tout en osant prendre des initiatives pour s’épanouir. « Il ne faut pas se spécialiser trop tôt », confie-t-il, un conseil qui est au cœur de la pédagogie de l’École Bleue, avec notamment son
cursus Design Global basé sur la triple compétence en architecture intérieure, design produit et design graphique.
Pour réussir dans les métiers du design, Mathieu Lehanneur souligne l’importance de pouvoir transmettre une idée avec clarté et simplicité. Une idée forte doit être suffisamment parlante pour être communiquée par des mots, avant même de devenir une réalité tangible. En racontant l’exemple d’un projet pour Renault, il a montré comment il avait vendu, par simple appel téléphonique, son concept d’une 4L réinventée : un véhicule ramené à ses origines de simplicité et d’évasion. Cette capacité à convaincre rapidement par des mots reflète une dynamique proche de celle des années étudiantes, où l’on doit conceptualiser et produire dans un même élan.
Mais pour transformer une idée en réalité, il faut comprendre comment le monde se fabrique. Cela passe par une exploration approfondie des matériaux et des techniques de fabrication, mais aussi par des échanges avec des artisans, techniciens ou industriels. Cette curiosité et cette capacité à interagir avec différents savoir-faire enrichissent la création et permettent de dépasser les limites habituelles du design.
Mathieu Lehanneur a encouragé les étudiants de l’École Bleue à se nourrir de matières brutes et non transformées. Pour lui, travailler avec des matières déjà consommées ou « digérées » restreint le champ d’exploration. Il cite son travail autour de l’eau comme exemple avec sa série « Liquid Marble » exposée au Victoria and Albert Museum à l’occasion du London Design Festival en 2016, où il transforma le marbre pour lui donner une dimension méditative et apaisante.
Ce travail de la matière organique est également au chœur de l'église Saint-Hilaire en Poitou-Charentes datée du XIe siècle. Plutôt que de reproduire le style roman existant, Mathieu Lehanneur imagina une structure minérale surgissant du sol, comme si elle préexistait à l’église elle-même, traduisant une ambition spirituelle forte. Bien que le budget initial ait empêché la réalisation immédiate du projet, la vision du designer a convaincu : après plusieurs années et une mobilisation de fonds par le prêtre, le chœur a finalement vu le jour. Cet exemple illustre l’importance de la patience et de la persévérance face aux contraintes matérielles.
En résumé, Mathieu Lehanneur définit le rôle du designer comme celui d’un explorateur de matières et d’émotions, capable de naviguer dans la complexité pour toucher l’humain de manière significative. Pour lui, le design ne se limite pas à créer des objets esthétiques : il s’agit de comprendre les individus, de sentir et d’accompagner les mouvements sociétaux. En repoussant constamment les frontières de son métier, Mathieu Lehanneur inspire non seulement la prochaine génération de designers, mais redéfinit aussi notre relation aux objets, aux espaces et aux émotions.